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lundi 10 octobre 2011

Et Angela Merkel et Nicolas Sarkozy pompaient, pompaient, pompaient


Cette fois, l'heure est grave, vraiment grave : Nicolas Sarkozy et Angela Merkel ont un mois devant eux pour résoudre la crise. Ça fait un mois, un an, deux ans, trois ans que c'est grave, mais c'est à chaque fois, juste un petit peu plus grave.
Les banques sont malades, très malades, et chaque semaine, une solution définitive semble être envisagée ; mais non, rien n'y fait, les brèches sont colmatées d'un côté (ou du moins, on en a l'impression), tandis que ça craque de l'autre.
Le citoyen moyen ne sait plus à quel saint se vouer, il a cependant bien l'impression que les grands de ce monde sont dans la panure, et jusqu'au cou, tout en affichant imperturbablement une superbe qui ne trompe personne. (mais ne dites rien aux marchés)
Hier, Paris et Berlin étaient d'accord sur un point, toujours le même, ou presque : ils étaient d'accord pour dire qu'ils étaient d'accord. Ça fait des années que ça dure, on ne sait plus si ça vaut le coup de le répéter.
C'est toujours le cas, systématiquement, sauf quand ils ne sont pas d'accord pour dire qu'ils sont d'accord. Il y a aussi les fois où ils ne sont pas d'accord pour dire qu'ils ne sont pas d'accord, mais là, on chipote.
De toute façon, hier, ils étaient d'accord.
Ils ont souligné leur plein accord.
Que dis-je ? Ils ont affirmé leur accord.
Les mots me font défaut : ils ont affiché leur détermination commune.
En un mot comme en cent : ils sont tombés d'accord.
Ils sont même d'accord sur la dead line : le G20. Tous les problèmes devront être résolus avant cette date fatidique. Le sommet a lieu à Cannes, les 3 et 4 novembre prochains. Lors de ce sommet, les 20 pays les plus riches de la planète se retrouveront sous présidence française. C'est pas le moment de ne pas être d'accord, ou de ne pas trouver son couteau suisse dans sa poche.
Un calendrier a été fixé. Est-ce qu'on n'aime pas ça, quand des calendriers sont fixés ? Oh que si. Le calendrier donne un gage de sérieux. On planifie, on découpe le temps et on enferme chaque problème dans une problématique, on lui attribue une salle de réunion, un horaire, on fait des mémos, on envoie les mémos par mail à tout le monde en copie à tous les autres et tout de suite, on se sent mieux. Aucune crise économique ne saurait résister à des réunions de spécialistes. Quand on en sort, le problème est transformé en graphique, en power point, en rapports d'expertise, la raison humaine a exercé son droit d'inventaire, on sent bien qu'on le maîtrise, le problème, il a quaisment disparu.
Donc, répétons -le, haut et fort pour que les marchés l'entendent : dimanche en fin d'après midi, à Berlin, lors d'une réunion de travail, à propos de la crise de l'euro, Angela Merkel et Nicolas Sarkozy ont affiché leur détermination à tout faire pour sauver l'Europe
Petite parenthèse : avouons que si Paris et Berlin avait affiché leur détermination à ne pas sauver l'Europe, le sujet aurait éclipsé la primaire , mais Paris et Berlin manquent d'imagination.
Paris et Berlin sont d'accord, en particulier, sur l'obligation de prendre «les mesures nécessaires à la recapitalisation des banques», selon Angela Merkel, ou plutôt de «renforcer la structure du capital des banques en Europe», selon Nicolas Sarkozy.
Ahaha. Zut. Ça n'est pas tout à fait la même chose. Mais ça y ressemble, donc ils sont presque d'accord, au fond.
Sauf qu'il reste encore à préciser les détails.
Tout le problème est là : sans décision concrète, les marchés financiers vont penser qu'il y a des divergences entre Paris et Berlin sur la manière d'utiliser le Fonds européen de stabilisation financière (FESF).
Mais de toute façon, de décision concrète, il n'y a pas. Et il n'y en aura pas avant le sommet européen des 17 et 18 octobre. Aussi, que les marchés financiers pensent ce qu'ils veulent.
Le seul point sur lequel les deux dirigeants sont à peu près en phase est la volonté de renforcer l'intégration économique de la zone euro, et pour ce faire, il faudra effectuer des «modifications importantes» aux traités européens. Et la conclusion : fin du mois, il y aura des propositions. Des propositions de modifications des traites (sans nous demander notre avis, à nous, on n'y pige que pouic et on n'est pas là pour ça).
Annoncer ces adaptations des traités pour renforcer l'intégration de la zone euro est une façon de répondre à tous ceux qui doutent de la solidité du couple franco-allemand. "Douter de la solidité du couple franco-allemand" est une tarte à la crème des articles économiques actuels, sous la forme affirmative, interrogative, ou négative. Douterions-nous de la solidité du couple franco-allemand ? Ah non. Alors on modifie les traités.
Il faudra prouver, fin octobre, qu'on n'en est plus aux déclarations de principes. L'entente Paris-Berlin doit déboucher sur des mesures concrètes, car, après la Grèce, c'est cette entente qui est testée sur les marchés. Et l'entente doit être bouclée avant le G20 du 3 et 4 novembre.
C'est pour ça qu'il faut modifier les traités.
Et le plus triste dans tout ça, c'est que pendant que l'avenir de l'Europe se joue sous nos yeux , on s'en fout. Oui, on s'en fout, on ne s'intéresse qu'aux larmes de Ségolène, à la victoire de Montebourg et au duel Hollande-Aubry. C'est beaucoup plus amusant, et puis ça va plus vite, et puis on aura le résultat dans une semaine - alors que l'interminable feuilleton du sauvetage de la Grèce, de l'euro, des banques, on s'y perd et on s'ennuie.
Pourtant, le petit show médiatique du week end ne sert pas à grand chose : malgré tout le démocratique fonctionnement de la primaire, il s'agit au fond seulement de savoir, en cas de victoire de la gauche, qui tiendra la pelle à tarte pour le découpage du gâteau.
Alors que la modification des traités, ça, ça va peut-être changer pas mal de choses ; on ne sait pas ; puisqu'on ne sait pas en quoi ils seront modifiés. Une fiscalité commune franco-allemande ? Un budget commun ? Que des trucs tellement ennuyeux.
Alors on attend qu'on nous dise quoi en penser. Ils font ça très bien, sur TF1 et puis aussi sur France 2, les deux chaînes d'Etat. Et on passe le temps en regardant Ségolène pleurer.

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